La chanson de Roland

L'une des plus anciennes chansons de geste ; elle constitua un modèle, ce qui ne signifie pas qu'elle soit issue du néant. Certes, à la différence du Tristan, elle semble n'avoir eu à l'origine qu'un seul auteur (le Turoldus du dernier vers ?), mais elle s'inscrit dans une tradition d'historiographie de propagande héritée des Romains et des Francs. La scène est en Espagne, et voit l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne attaquée par les Infidèles — des traîtres, bien évidemment, tout comme ce Ganelon qui devait conclure la paix avec eux ! Le comte Roland est tué ; appelé par le vaillant paladin juste avant son trépas, l'empereur revient et extermine de nombreux païens, remportant ainsi une victoire totale. Transmise par les trouvères, la Chanson, sur fond de vérité historique, exalte des valeurs et des fonctions propres au monde des cours (la prouesse), mais touche aussi un public plus large dont il s'agit en ces temps de croisade de renforcer la haine du monde musulman. Le roman arthurien tentera d'unir à la prouesse la délicatesse courtoise ; les chansons de geste sont d'une matière plus rude : la geste est action, célébrée dans un récit chanté. C'est une forme d'épopée : Dieu aide les siens, valeurs héroïques et triomphe de la chrétienté sont indissociables — même s'il faut en passer par l'échec. L'univers occidental connaît cependant aussi la traîtrise (Ganelon), mais rien ne met véritablement en doute la sagesse (incarnée par Olivier et Charlemagne) et surtout le droit des héros francs.